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Par les temps qui courent, il importe de rester curieux.

Feuilles mortes.

Feuilles mortes.
 
 
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
 
 
 
Pour beaucoup, ces vers de Paul Verlaine crépitent comme des étincelles qui piquent encore au cœur...
Une strophe d'espoir, nasillarde, crachotée, sussurée, mais entendue dans les postes T.S.F. clandestins, le 5 juin 1944.
 
Cependant, on va aujourd'hui  prendre les mots au mot, et ça va résonner d’une toute autre manière.
 
Retranché derrière un double vitrage, un mug de thé Lapsang dans les mains afin qu’elles se réchauffent...
Le moment est idéal pour contempler le jardin, la ramure de ses arbres passe du vert au jaune et du ciel à l’humus…
On se prend bizarrement à songer à « La chute d’Icare » de Pieter Brueghel l’Ancien, étrange et poignant instantané dramatique tailladant la scènographie paisible du reste du tableau.
Eh oui... C’est le sempiternel spectacle, triste et réjouissant, des cycles du temps, et là, pour le moment, c'est la capitulation estivale sans condition, la consécration de l'automne.
Certes, l'état d'esprit n'est pas à l'amertume, somme toute, les sèves et les hirondelles migrent et on sait que les unes et les autres reviendront, mais le spleen s'installe malgré tout.
Alors que les yeux hésitent entre beauté et apitoiement, les oreilles frémissent aux sons d’un album tout particulier qui ne pouvait que paraître en arrière-saison.
 
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Hania Rani   « Ghosts »   Gondwana Records    2023.

Le nom d’ Hania Rani ne vous dit peut-être rien, mais l’artiste polonaise (basée maintenant à Berlin) signe ici son troisième album.
Et, disons-le de suite, il confirme tout le bien qu’on pensait des travaux de la dame.
Bien plus qu’un (double) disque, Ghosts est une collection ensorcelante d’émotions éthérées à laquelle ont participé des gens comme Ölafur Arnalds, Duncan Bellamy et Patrick Watson.
Feuilles mortes.
Ghosts… C'est un assemblage de micro-univers hypnagogiques, vous savez, cet état de demi-veille qu’on connaît tous sans réellement le cerner, cet instant flou où l’immatérialité onirique se cristallise en factualité imaginaire…
Ce moment où l’esprit capture dans ses filets matinaux des vestiges de rêves afin de les remonter en surface, de les déverser sur le pont aveuglant du réel…
Un album spectral donc, mais peuplé de fantômes délicats, évanescents, de ceux qui errent avec bienveillance aux frontières de la conscience.
Il n’est nullement question ici d’ambiances gothiques, de manoirs transylvaniens ou de chiroptères malintentionnés, au contraire.
Hania Rani sort d’ailleurs assez souvent du carcan rigide néo-classique pour s’aventurer dans des territoires plus pop…On vous avouera qu’on a particulièrment aimé ces préoccupations mélodiques là où la simple pose d’atmosphères obscures et lancinantes en aurait satisfait plus d'un.
Soixante-sept minutes se sont écoulées.
L’album est terminé, l’aiguille claque un peu à chaque tour du plateau, le thé est froid, on pourrait dès lors craindre que le charme ne se soit brutalement rompu…
Même pas, l’esprit s’accroche toujours à l’impalpable, une sorte de tendresse spectrale enrobe encore le corps et l'esprit.
Et on regarde, sans trop la voir, une feuille qui tombe, doucement, en vrille, à travers la vitre maintenant embuée…
Alors, délicatement, presque gènée, la vraie vie reprend les rênes...
Et on se dit : Mais quel disque !

 

 

 

 

 

À bientôt ?

 

 

NB: Deux-centième article sur overblog?... Fichtre, comme le temps passe...

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