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Par les temps qui courent, il importe de rester curieux.

Volutes.

Volutes.
 
Vous souvenez-vous de Tyan ?
De l’émission Les 100 minutes par delà?
C’était bien hein ?…
C’était bien comme pouvait l’être une parenthèse musicale « radioportée » d’un espace-temps indéfini…
 
Le soir, le poste vaporisait l’émission en exhalant discrètement des volutes harmoniques singulières…
Une baguette d’encens phonique en quelque sorte.
Il arrivait fréquemment que l’esprit réagisse... Comme si, piqué au vif par la curiosité, il réverbérait à travers un frisson ou une attention plus soutenue une séquence musicale au charme étrange.
 
L’émission a été supprimée en début de siècle.
 
Certes les émois auditifs restent présents, mais ils sont dorénavant programmés pour s’accorder aux rythmes des pubs, des infos trafic et des quotas à respecter.
Les saisissements inopinés, les sensations déroutantes... toutes ces bulles d’ attendrissements auditifs inattendus ont pratiquement tous disparu.
 
C’est dommage.
 
Reste à espérer qu’une certaine forme de curiosité demeure.
Ici, on est loin d’avoir le talent de Tyan, on n’en a pas la prétention non plus, on tente juste de proposer des choses un peu bizarres que vous n’entendrez jamais ailleurs…
Parce que, entre nous, caresser les conduits auditifs dans le sens du poil n’a aucune espèce d’intérêt. Et puis, plein d’autres le font déjà.
 
Naturellement, la curiosité exige à la fois disponibilité et attention, on peut comprendre que ces deux mots d’un autre âge aillent de pair avec un sentiment d’obsolescence.
Néanmoins, on vous incite à tenter le coup… de la lecture d’abord, mais ce n’est pas indispensable... ensuite et surtout, de l’écoute.
Déjà ça, on sera contents.
 
Et si d’aventure vous en arriviez à apprécier, alors on sera encore plus contents.
On vous a trouvé trois albums troublants, de ceux qui tissent des liens étranges avec les affects… On vous les soumet.
 
 
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Julia Holter  « Something in the Room She Moves »  Domino  2024.

 
Cette trilogie des giboulées commence avec quelqu’un qu’ici on connaît bien.
En effet, ceux qui suivent se souviendront qu’on avait déjà parlé en 2018 de Julia Holter.
Après relecture de l’article, il paraît illusoire, émotivement parlant, de vouloir faire mieux en terme de collision entre enthousiasme vécu et herméticité affichée.
 

 

Cela dit, six années ont passé, et le mystère lié aux assemblages d’accords improbables semant à tous vents des volées de magie addictive demeure.
 
La...pop(?)... expérimentale de Julia Holter, qui furète dans des univers comparables à ceux d’une Jenny Hval, peut paraître un rien abrasive, jusqu’à ce que sa surface s’érode et se lisse au fil des écoutes…
Jusqu’à ce qu’on ressente une espèce de privilège, celui d’entrer dans un univers un rien tangentiel certes, mais complémentent envoûtant.
Something in the Room She Moves, au titre en forme de clin d’œil appuyé à The Beatles, s’avère moins abrupt qu’Aviary (2018)… Plus...liquide, dirons-nous, en tout cas un poil plus facile d’accès.
On est toujours aux frontières de l’avant garde, mais l’album, malgré une surabondance d’ orchestrations intrigantes (marque de fabrique de l’artiste), reste fluide...
 
Something in the Room She Moves?: Un disque pointilleux quant aux formalités d’entrée, mais qui vaut vraiment le déplacement.

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Tomato Flower  «No»  Ramp Local  2024.

 

Par contre, on ne vous a jamais parlé de Tomato Flower.
Notez, c’est logique, il s’agit de leur premier album, on va donc le découvrir ensemble.
 

 

Enfin, pas tout à fait, on est déjà parti en éclaireur, histoire d’entendre à qui on avait affaire, on a donc écouté leurs EPs précédents… qui se sont révélés être de jolis écrins psyché débordants de béatitude printanière…
 
No est moins léger.
 
Maturité? Tensions internes?… Peu importe, No charrie avec lui quelques petits nuages propres à ombrer les cieux trop bleus de la discographie de la formation de Baltimore.
Rassurez-vous, le disque tient la route, rien n’y est imbuvable ni violent, No est excellent, riche, inventif, parfois complexe, il lorgne du côté de Lætitia Sadier dans les moments calmes et du côté de Deerhoof dans les instants énervés.
No est un disque vivant, chaotique en termes d’humeurs et de sensations.
Comme s’il puisait sa force dans l’enchevêtrement de sentiments divers.
Au final, l’ensemble « sonne » très beau.
Vraiment très beau.
 

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Yirinda  « Yirinda »  Chapter Music  2024.

 

Dernier côté du triangle, celui qui bouclera l’article.
Autant vous le dire de suite, cet album est un coup de cœur.
 
Yirinda c’est la combinaison de l’ancestral et du moderne en un tout émotionnellement beau à pleurer.
Fred Leone est l’un des derniers gardiens du chant et de la langue du peuple Butchella. (Une peuplade aborigène du Queensland).
Samuel Pankhurst est un contrebassiste /producteur internationalement reconnu.
 

 

Yirinda tente de réactualiser l’incantatoire d’une manière à la fois chamanique, ensorcelante…et résolument moderne.
Écouter l’album c’est partir pour un très long voyage, un voyage en soi, un voyage au sein de l’humanité.
Un très long voyage qui s’achèvera par une rencontre avec un Moi personnel, intime et racinaire…
Vous y retrouverez le caillou asséché par le soleil, le souffle de vent, le filet d’eau, le pétale de fleur qui sommeillent en vous à l’état de souvenirs immémoriaux…. Vestiges archaïques d’une lointaine harmonie entre le temps, l’homme et la nature.
 
Cet épatant trip introspectif au cœur du rêve originel est rendu possible par l’émotion du chant et l’incroyable savoir faire musical qui jongle autant avec le classicisme qu’avec la musique dite contemporaine (terme mal choisi si on évoque l’intemporalité du bijou).
Cet update de Temps du rêve, concept si cher aux Aborigènes pourrait, maintenant activé, réconcilier en vous l’ancien et l’actuel en bâtissant un pont intuitif entre la primitivité des origines et la fugacité des préoccupations matérialistes d’un présent (beaucoup trop) présent.
Un album beau à pleurer on vous dit…
Yirinda en langue Butchella, ça signifie « Maintenant ».
Alors, dès à présent, écoutez, ressentez.
Notre patrimoine ancestral est appelé à disparaître, au nom du progrès.
Ce petit chef d’œuvre résonne donc comme un inventaire de temps (bientôt irrémédiablement) perdus.

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À bientôt?

 

 

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