Par les temps qui courent, il importe de rester curieux.
Permafrost.
8 Octobre 2024
Je ne crois pas en l’interprétation des rêves, mon intérêt pour les théories de l’oncle Sigmund n’a jamais été jusque là.
Toutefois, suite à l’écoute de quatre disques, j’avoue avoir vécu un bref instant de trouble.
J’étais au beau milieu d’une immense plaine, brumeuse, gris-verdâtre.
Une toundra moite, tiède, le lichen ne croustillait plus, non, il y était plutôt pâteux, spongieux.
Le permafrost fondait, libérant du méthane et des virus archaïques… Quatre énormes ombres venaient de s’en extirper et s’ébrouaient en silence…
Quatre mammouths laineux … Qui se mirent en mouvement, passant à mes pieds en m’ignorant royalement…
C’est l’effet que m’ont fait ces quatre albums…
Commis par des gens qui, à l'instar du quatuor de mammifères proboscidiens, reviennent de loin.
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The The « Ensoulment » Ear Music 2024.
Après vingt-quatre années de silence, Matt Johnson est de retour, avec Ensoulment sous le bras.
Dire que l’album est mature implique que ceux du siècle dernier l’aient moins été… Les «anciens» vous diront toutefois qu’il suffit d’écouter la discographie de The The pour réaliser que le groupe disposait déjà à l’époque d’un degré d’adultisme assez conséquent.
C’est donc avec cette même plénitude, alourdie malgré tout de cicatrices dues aux heurts de la vie, que Matt Johnson nous entraîne tout au long de Ensoulment.
D’une voix riche et profonde dominant l’arrière-plan musical il nous attire dans le monde de ses textes poétiques, lucides et réalistes, traduisant à merveille les préoccupation d’une époque… La nôtre.
Un (très bon)retour dans la continuité donc.
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Kate Pierson « Radios & Rainbows » SongVest Records 2024.
Cela fait pratiquement cinquante ans que Kate titille mon imaginaire fantasmatique yankee, ce peuple superficiel et bon enfant, ce peuple inquiétant aussi… Unamalgame de gens venus d’un peu partout et tombés sous la coupe d’un dieu lourdaud et omniprésent les rendant capables du pire comme du meilleur.
Bref, j’aime bien Kate Pierson, aussi bien en tant que claviériste au cursus capillaire improbable de TheB-52’s qu’en solo (avec REM, The Ramones, Iggy Pop et autres…)
À septante-six ans, munie de son sourire étrange, de sa chevelure rouge et de son timbre de voix inimitable, Kate revient avec un album solo éclatant de positivité… Un disque qui s’envisage comme un tour en roller coaster, la poignée de sécurité serrée d’une main, une baguette de candyfloss dans l’autre.
Bref, un album scintillant et coloré comme une baraque foraine, qui s’interroge sur la gravité de tenir un fusil en main, même s’il fait passer ça pour un tir à pipes.
Radios & Rainbowsest un album qui cache sa prétention, il sent la pomme d’amour et le sorbet rose-fushia, ce qui fait du bien en ces temps sombres, mais c'est un album militant aussi…
Un disque de revendications activisteshautement dansable en quelques sorte.
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Mercury Rev « Born Horses » Bella Union 2024.
Nouveau line-up pour le groupe de Buffalo (New York).
Autant vous dire que les souvenirs féeriques deleurs concerts hantent encore les sommets fantasmatiques de la chaîne de montagnes de mes souvenirs.
Neuf années qu’on attendait… Et Born Horses débarque et réconforte, à l’image du reste de la discographie du groupe, il engrange, catalyse, déclenche des déferlements de rêveries.
Mais les rêves ne décollent plus en chandelle, toutes turbines hurlantes, ils s’élèvent doucement, en volutes.
Le climat est désormais serein, paisible… Tout y est limpide, calme… Une trompette mélancolique vient parfois chatouiller les textes poétiques de Jonathan Donahue, textes plus parlés que chantés au demeurant.
Il y est questions des beautés de la nature, d’oiseaux, de chevaux…
Et même si les chansons sont récitées, les arrangements fastueux font qu’on passe avec ce Born Horses, des moments magiques et enchanteurs…
« Ne passons pas à côté des choses simples » Entendions-nous dans le poste, il y a quelques années…
Ça reste foutrement vrai.
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Snow Patrol « The Forest is the Path » Polydor Records 2024.
Un jour, il faudrait s’amuser à recenser le nombre de couples qui se sont formés un soir de festival, lorsque la magie du soleil couchant force les briquets à s’allumer… tout en oscillant au gré de ces deux hymnes à haut potentiel hormonal:Runet Chasing Cars.
Mais ça, c’était il y a longtemps.
Après un silence radio de six années, nos Irlandaisreviennent… Enfin, une partie, le line- up ici aussi a changé.
La recette reste toutefois la même… Construits comme des thèmes post rock (passages lents, montées brusques en puissance), les chansons acquièrent un immense pouvoir magnétique dès que résonne la voix de Gary Lightbody.
Son timbre demeure étonnamment pareil, c’est celui d’un ado en plein spleen qui subitement se galvanise les cordes vocales à l’orée d’un refrain…. Déclenchant imparablement larmes, frissons… et allumages de briquets.
Notez, ça fonctionne encore et toujours… D’autant mieux d’ailleurs que les textes du nouvel opus, très profonds, suintent le vécu, la mise à nu, les émotions vraies de l’amour dans tous ses états…
Au final,The Forest is the Path est un très bon disque… Linéaire et peu inventif, certes, mais authentique et poignant.
Finalement, ce groupe a réussi à préserver une forme d’intégrité, contrairement à d’autres formations de leur génération comme Coldplay ou Editors, irrémédiablement passées, elles, du côté grotesque de la force.